Le matcha « C’est pas sorcier » : processus de production de la feuille au bol
Lors de mes voyages annuels au Japon chez des producteurs de thé bio, j’ai eu l’opportunité de visiter des dizaines de jardins de thés et de sites de production dans tout l’archipel.
Quand on s’intéresse au thé matcha de qualité premium, on se rend compte que son processus de production est presque toujours identique, tout en restant fascinant.
En vérité, il n’a pas vraiment changé depuis la création du thé matcha malgré l’industrialisation et la modernisation de l’agriculture.
Dans cet article je vais t’expliquer en détail toutes les étapes nécessaires à la production d’un thé matcha de qualité premium, de la feuille au bol.
Les théiers sont couverts pendant 2 à 3 semaines vers mi-avril
On couvre les théiers afin de diminuer progressivement leur exposition au soleil et d’empêcher la photosynthèse.
Les nouvelles feuilles deviennent plus larges et plus fines pour mieux capter la lumière, elles sont très tendres et leur couleur est vert vif.
La récolte se produit généralement début mai
On ne récolte que les deux premières feuilles de chaque tige pour le thé de qualité supérieure. Il est donc nécessaire de le cueillir à la main car on doit séparer les feuilles plus anciennes, qui ont été plus exposées au soleil des jeunes feuilles.
Aujourd’hui, on peut atteindre un résultat similaire à la cueillette à la main avec certaines moissonneuses mais les récoltes de thé destinées à du matcha se fait principalement sans l’aide de machines.
Dans cette vidéo, on voit des écoliers qui participent à la récolte du thé. Tu peux voir qu’ils portent leurs uniformes de sport. En temps normal, ce sont surtout des dames âgées qui s’occupent de la cueillette.
Dans la vidéo suivante tu peux voir comment fonctionne la moissonneuse-batteuse. La mécanisation progresse au Japon car le coût de la main-d’œuvre a augmenté, et les moissonneuses portables sont 60% plus efficaces que la récolte à la main.
Traditionnellement on ne fait qu’une récolte par an au printemps et on rase les théiers pour les préparer à la récolte de l’année suivante. Cependant il arrive que certains producteurs fassent 2 ou 3 récoltes par an.
Les feuilles de thé sont transformées en tencha – 碾茶
Le tencha est la matière première pour faire le thé matcha. Quand il est broyé, il devient ce que l’on appelle le matcha.
Même si on utilise des machines et que le thé circule sur des bandes transporteuses, les techniques de transformation n’ont pas changé depuis des centaines d’années.
- Ventilation (送風) et humidification (加湿) : si on laisse les feuilles fraîches trop longtemps, elles commencent à fermenter. On envoie de l’air humide sur les feuilles pour qu’elles conservent leur qualité et leur fraîcheur.
- Étuvage (蒸熱) : on passe les feuilles à la vapeur une vingtaine de secondes pour arrêter leur oxydation et leur donner la couleur et le parfum souhaité.
- Agitation (攪拌) et refroidissement (冷却) : on refroidit les feuilles immédiatement pour éviter que leur couleur et leur arôme se dégrade. On les met dans une sorte de cage à papillons de 5 à 7 mètres de long où souffle de l’air froid. Les feuilles se séparent les unes des autres.
- Séchage sommaire (荒乾燥) et séchage principal (本乾燥) : les feuilles circulent sur un tapis roulant dans un four à plusieurs étages de températures différentes, le processus dure environ une demi heure.
- Séparation de la feuille et des tiges (つり切り) : les feuilles sont presque entièrement sèches, mais il reste encore de l’humidité dans la partie de la tige. On sépare la tige et les nervures du reste de la feuille.
- Deuxième séchage (再乾燥) : on repasse les tiges et les nervures au four pour les sécher complètement, puis on les sépare une dernière fois avec de l’air.
- Emballage (梱包) : les feuilles sont emballées dans des sacs d’environ 15kg en papier rigide.
Le tencha est vendu à des distributeurs qui créent leur propre thé matcha en faisant un assemblage
Ce sont le plus souvent les distributeurs de matcha qui sélectionnent et assemblent plusieurs tencha pour faire un assemblage. Ils cherchent à reproduire une qualité et un goût constant pour chaque récolte.
L’assemblage est effectué par un maître de thé, ou chashi (茶師).
Essentiellement, c’est une combinaison de trois types de tencha. Voilà comment on les choisit.
Pour le premier, on choisit un thé savoureux, mais dont la couleur lui fait défaut une fois broyé.
Pour le deuxième, on prend un thé dont la couleur est vibrante, mais dont le goût et l’arôme ne sont pas idéaux.
Et pour le troisième, on choisit un thé dont l’arôme est excellent, mais qui manque de goût et n’a pas la plus belle couleur.
En associant les qualités de ces trois thés, on obtient un assemblage qui possède les trois traits essentiels à un thé matcha premium : l’arôme, la saveur et la couleur.
On peut aller jusqu’à associer 4, 5 ou même 6 tenchas différents selon le résultat désiré.
Ensuite, le tencha est réfrigéré jusqu’à ce qu’il soit prêt à être broyé. Quand le matcha a été broyé, il s’oxyde plus vite car les particules de thé sont sont plus en contact avec l’air. Au contraire, quand on conserve le tencha, il peut s’améliorer en vieillissant, tout en conservant sa fraîcheur – comme un bon vin.
Tokuya-san, par exemple, nous propose son matcha naturel qu’il a récolté il y a deux ans. En le laissant maturer, le thé a un goût plus complexe, plus rond. Ses arômes se sont développés.
Le tencha est broyé en matcha peu de temps avant sa consommation pour conserver sa fraîcheur
On réduit le tencha en poudre avec un moulin en granite (茶臼) avant de le mettre en vente.
Aujourd’hui le processus a été mécanisé, mais l’utilisation de machines n’a pas accéléré la production : à l’intérieur des moulins, la température peut monter jusqu’à 50ºC. Si la température est trop élevée, le matcha se dégrade. Ainsi, la vitesse maximale de broyage du matcha est de 30 à 40g par heure et par moulin..
Ensuite, le matcha est conditionné en boîtes ou en sachets et il est envoyé dans nos entrepôts à Paris.
Il ne lui reste plus qu’à être dégusté !
Tout ce travail pour … 30g de thé ?
Même si la production du thé matcha est un processus simple, elle demande beaucoup de moyens et de temps. Son industrialisation a permis de réduire la main d’œuvre nécessaire à sa fabrication, cependant certaines étapes telles que le broyage ne peuvent pas être modifiées sans entraîner une baisse de qualité de la production.
C’est pour cela que le thé matcha de qualité premium reste et sera toujours considéré comme un produit luxueux et précieux, au Japon comme en Occident.
C’est aussi pourquoi je m’attache à proposer un matcha de qualité irréprochable, et que je continue de visiter les jardins de thé et les usines de nos fermiers-partenaires tous les ans.